Petit concentré de recettes, infos et astuces sur les produits fermentés suite au Sommet sur les Fermentations du 15 au 25 mars 2020

Intro rapide : Qu’est-ce qu’il se passe pendant la fermentation ?

Par ici pour une introduction aux fermentations alimentaire : bases de chimie, microbiologie et transformation alimentaire. 

Avant de goûter soi-même différents aliments fermentés, il est intéressant de comprendre ce qu’il se passe avec ces microorganismes et pourquoi nous ne devrions pas avoir peur! (Introduction par Yannick Schandené)

La meilleure explication que j’ai lue à propos de la fermentation était dans le livre néerlandais “Over rot” (traduisez au-delà du pourri) de Meneer Wateetons. Il dit que la fermentation est comme une guerre entre bonnes et mauvaises bactéries, et nous sommes des généraux qui décidons des bonnes conditions pour gagner la guerre. Ces conditions sont principalement les suivantes : l’air, la température et le carburant choisi.

Certains ferments préfèrent de l’air (un scoby pour kombucha par exemple), d’autres travaillent dans un environnement anaérobie (sans air). La température donne d’autres résultats. Le Miso par exemple préfère travailler à 30°C, alors que la lactofermentation de choucroute est mieux à 15°C. En travaillant avec de la viande il est nécessaire de monter jusqu’à 75°C pour tuer les mauvaises bactéries. Enfin, choisir la bonne quantité de sel, acidité, sucre, starter bactérien (tempeh, koji) influencent également la fermentation.

Mais ces bactéries ne sont-elles pas dangereuses? Alors, notre culture occidentale nous a enseigné à tout nettoyer en profondeur, tout particulièrement la nourriture, mais cela ne veut pas dire que c’est bon / sain. Quand Louis Pasteur a créé les bases de la recherche sur les microorganismes, il n’a jamais dit que nous avions besoin de vies aseptisées. Il faut respecter les consignes d’hygiène mais pour le citer : Ce sont les microbes qui auront le dernier mot!   
Nous devons essayer de vivre en harmonie avec les bactéries et remettre un peu de bon sens dans notre cuisine. C’est pourquoi j’explique toujours que la meilleure manière de voir si un ferment est bon est de faire cette vérification en 3 étapes, en utilisant nos sens:

  1. Utiliser ses yeux pour voir si quelque chose vous choque. Quand il y a des moisissures vertes ou bleues sur le ferment, c’est probablement plus sûr de le jeter (mais il y a des exceptions). Si rien ne semble bizarre, passer à l’étape 2. 
  2. Le sentir. Faites confiance à votre nez, il vous dira si quelque chose ne va pas. Après un temps votre nez sera entraîné et trouvera des senteurs plus subtiles comme la différence entre une odeur forte (un fromage mature par exemple) et une mauvaise odeur (quand la choucroute sent le Dettol) 
  3. Enfin, si vous n’êtes toujours pas sûr.e.s, mais que le produit passe les deux premières étapes alors, goûtez-le. Un petit bout de ferment ne vous tuera pas, et vous saurez immédiatement s’il est bon à manger ou pas.

D’autres infos dans ce bon article de Nicrunicuit pour ne pas paniquer face à des moisissures/biofilm en débutant. Et un autre sur les possibles surprises en fermentant dans des bocaux.

Enfin comme le rappelle Virginie Geres avec son site HappyBiote, sans microorganismes nous serions morts ! Tout simplement ! Nous ne pourrions pas fonctionner sans la présence de milliards de bactéries, levures et autres microbes (non pathogènes) qui tapissent notre corps. Ils assurent d’importantes tâches comme nous protéger des agressions d’autres microbes (pathogènes), nous permettent de nous alimenter, d’avoir une odeur distincte des autres individus (et donc facilite de tomber amoureux quand on n’est pas trop crade), ils participent à notre système immunitaire… Et dans chacune de nos cellules se trouve un microorganisme que nous avons incorporé au fil des millénaires : la mitochondrie, qui permet la respiration cellulaire ! Cette super vidéo pour en savoir plus.

Donc, non seulement les microorganismes sont nécessaires à notre survie mais en en apportant une grande diversité par une alimentation saine et variée (notamment avec des aliments riches en fibres -prébiotiques- et microorganismes -probiotiques-) nous améliorons notre santé immunitaire et psychique. Ceci est aux antipodes des standards occidentaux modernes, rendant les gens littéralement malades, entre autres par un microbiote faible. Pour plus d’info je vous conseille ce reportage d’Arte, ou celui-ci un peu plus ancien sur le même thème (+ de détail p10).

Mais aussi la fermentation permet de sauver des morceaux d’aliments qui finiraient plutôt à la poubelle (épluchures, trognons…), de conserver ces aliments sans frigo pendant des années mais… surtout… ça donne du goût ! Et des saveurs incroyables, impossibles à développer sans fermentation. Pensez au vin, fromage, pain au levain… Vous n’avez pas fini d’être épaté, et les chefs étoilés en sont tous devenus fous. Petit tour du goût avec NicruNicuit.

Faire ses yaourts maison (lait animal) avec des bactéries lactiques

  1. Petit point sur l’appellation « yaourt »

En France il est obligatoire de respecter plusieurs critères pour appeler son produit « yaourt ». Il faut que le produit final contienne obligatoirement ces deux bactéries lactiques (a minima) vivantes : Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. Le produits au bifidus et autres bactéries n’ont pas le droit à ce nom (ex : activia, actimel), de même que les yaourts ayant subi un traitement thermique tuant les bactéries avant la vente du produit. On trouve des noms du genre « dessert lacté, spécialité fromagère, gourmandise laitière… ». Si le mot yaourt n’est pas écrit en toute lettre sur le produit, c’est que ce n’en est pas… Et donc qu’il ne contient pas les probiotiques nécessaires pour produire des yaourt maison chez vous.

Autre information importante : les yaourts et fromages ayant été fermentés sont naturellement sans lactose (ou contiennent uniquement des traces). On peut donc en consommer sans difficulté. Par contre, un lait sans lactose ne peut pas donner de yaourt ou de fromage par fermentation, car il manque le sucre nécessaire au fonctionnement des microorganismes. Pour des yaourts 100% sans lactose voici une recette.

  1. Les outils indispensables pour commencer

Bien choisir son lait ! Le mieux pour réussir ses yaourts et obtenir une belle texture est de prendre du lait entier cru de ferme, c-a-d non écrémé ni pasteurisé/stérilisé, bref un lait vivant. Il se trouve au rayon frais du supermarché, en vente directe ou sur les marchés, attention il se conserve au frigo 1 semaine max. Les autres laits du commerce peuvent être utilisés mais donneront des résultats moins satisfaisants, les pires étant le lait écrémé UHT). Pour les personnes qui souhaitent un yaourt + riche en protéine on peut ajouter un peu de lait en poudre (optionnel) mais attention, contrairement aux idées reçues ça ne le rendra pas plus ferme. Si on utilise du lait entier de ferme on peut écrémer tout ou une partie pour s’en servir pour autre chose, ou le garder tel quel, les yaourts seront aussi fermes… Ce qui n’est pas le cas en utilisant un lait demi-écrémé du commerce (procédés différents). Pour écrémer le lait : le laisser reposer au moins 24h et la crème remonte à la surface, enlever à la petite cuillère. On peut récupérer entre 10 et 12cl de crème par litre de lait fermier.

Un thermomètre de cuisine : obligatoire pour trouver les bonnes températures adaptées au lancement de vos bactéries (trop chaud elles meurent, trop froid elles ne travailleront pas).

Des pots : pas obligatoire de prendre des pots spécialement faits pour les yaourts même s’il est dit que les pots en céramique marchent mieux. On évitera le plastique pour ne pas trop manger de microparticules libérées par la chaleur et polluer la planète. Le plus simple est de réutiliser des bocaux en verre (type pesto, gingembre japonais, tapenade) pas trop grand si on veut des portions individuelles, ou au contraire immense, tout est une question de choix personnel. L’idée est par contre d’avoir des pots de même allure afin de faciliter une fabrication homogène, mais ça marche aussi avec des gabarits différents.

Une yaourtière… Ou système D ! Il existe aujourd’hui une grande gamme de yaourtières électriques +/- hightech et chères, mais rappelons-nous qu’il y a quelques décennies toutes les familles produisaient leurs yaourts, sans investir et sans électricité ! Préférons donc le système D. Le plus simple est de prendre une grande casserole, marmite ou cocotte puis de l’enrober de plein de couvertures afin de la rendre quasi isotherme et allonger dans le temps la baisse de température. Sinon, on peut aussi utiliser un grand thermos ou une glacière.

Des ferments lactiques, avec au minimum ces deux bactéries : Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. Pour les trouver on peut :   
– Acheter des ferments spécialisés en pharmacie ou en ligne (ex : laboratoire Yalacta)   
– Acheter un yaourt du commerce (avec la vraie appellation yaourt)   
– Acheter des compléments alimentaires probiotiques en pharmacie (en vérifiant que les microorganismes contenus fonctionnent pour produire des yaourts)   

  1. Faire son yaourt avec le moins d’investissement possible (yaourt et cocotte)

1L de lait = 1L de yaourt, il n’y a aucune perte. Pour les plus pressé.e.s on peut faire ses yaourts en 3h30, 30min de préparation (en comptant le refroidissement) et 3h d’incubation (+ un peu de temps au frais, c’est quand même meilleur).

Contrairement à ce qu’on pense, pas besoin de mettre un yaourt entier pour refaire une tournée d’un litre, 3 cuillères à café bombées ou 1 grosse cuillère à soupe suffit. En mettre plus ne rendra pas les yaourts plus fermes et ne les fera pas prendre plus vite. Attention, contrairement aux ferments en sachets, les yaourts du commerce ne peuvent pas se réutiliser aussi longtemps. Au bout de quelques dizaines de fois le ferment va dégénérer : devenir acide et gluant. Vous pouvez racheter un yaourt pour repartir avec une souche neuve ou choisir une autre solution.

Etapes à suivre pour toute confection de yaourt :   

  • Faire chauffer le lait dans une casserole (en touillant régulièrement pour éviter la formation de peau et de brûler le lait) jusqu’à le faire bouillir (environ 85°C). Cela permet de tuer certains bactéries potentiellement indésirables.
  • Une fois la formation de mousse, baisser le feu (feu doux) pour garder le lait autour de 80°C entre 15-20 minutes (on peut directement refroidir mais plus on laisse chauffer plus le yaourt sera ferme) afin d’aider à la formation de protéines longues, donnant le maillage ferme.   
       
  • Laisser refroidir jusqu’à atteindre 55°C. Si on est pressé poser la casserole dans un saladier d’eau froide, en parallèle verser de l’eau bouillante dans la cocotte (voir point suivant). Ajouter les cuillères de yaourt à la casserole de lait et mélanger avec un fouet pour homogénéiser. L’ensemencement doit se faire entre 60°C et 45°C (attention éviter d’aller à 60°C car risque de tuer les bactéries par mégarde et donne un yaourt très acide).
    Verser le mélange dans des petits pots (sans mettre de couvercle).   
  • Déposer les yaourts dans la cocotte en ayant au préalablement versé de l’eau bouillante dedans afin de faire monter la température du récipient et obtenir une eau à 55-60°C au moment d’y déposer les yaourts. Bien fermer la cocotte et enrober de nombreuses couvertures pour garder la chaleur et avoir une baisse de la température douce. Il est important que la température descende graduellement et ne remonte pas, sinon cela affecte la texture.   
  • Laisser au moins 3h, facilement toute la nuit. Suivant la température externe et votre envie de texture on peut laisser plus de 3h afin d’avoir plus de fermeté et plus d’acidité. Il est impossible avec cette méthode de faire surfermenter ses yaourts.   
  • Tadaaa les yaourts ont pris ! Un petit liquide peut s’être formé dessus, le petit lait. Il peut se manger, ou se conserver pour aider au démarrage d’autres fermentations.

Faire son yaourt à partir de ferments du commerce + yaourtière électrique

Les ferments en poudre sont des mélanges de bactéries déshydratées. On peut trouver des ferments français par le laboratoire Yalacta en pharmacie, ou en acheter en supermarché de la marque Alsa. Mais ces derniers mentent sur l’emballage alors je m’en méfie : ils disent qu’on ne peut pas réutiliser le ferment d’un yaourt à l’autre et que les yaourts ne se conservent qu’une semaine au frigo… C’est doublement faux, on peut repiquer ses yaourts plusieurs centaines de fois et plus d’un mois au frigo (et résistent en dehors du frigo d’ailleurs ! ayant été inventés avant les frigos). On en trouve aussi en ligne, la marque NatAli est très bien.

Pour la première fournée utilisez une dose diluée dans un petit peu de lait à T° ambiante puis mélangez une fois que la température du lait a refroidi à 55°C. Pour les autres fournées on peut réutiliser un de ses yaourts, à condition qu’il ait moins de 6 jours, s’il est plus vieux la texture sera moins intéressante, plus gluante et il faudra plusieurs fournées en respectant bien les 6 jours d’écart pour retrouver un ferment bien actif. On peut faire plusieurs centaines de fournées avec la même dose de départ, on change lorsque la texture devient gluante ou le goût trop acide.

Si vous avez une yaourtière électrique les températures sont un peu différentes. L’ensemencement se fait à 55°C réels (c-a-d verser le lait dans les pots à 57°C). Déposer dans la yaourtière et brancher en réglant sur 55°C (vérifier de temps en temps avec un thermomètre, des fois ça beug), ils seront prêts en 3h et bien fermes au bout de 5-7h.

  1. Faire son yaourt « enrichi » et système D : utilisation de compléments alimentaires probiotiques

L’avantage de certains probiotiques compléments alimentaires et ferments c’est qu’ils contiennent une grande diversité de microorganismes… Et peuvent souvent fermenter plusieurs choses. Par exemple, le probiotique « Bioprotus 7000 » associe 7 ferments lactiques lyophilisés et des prébiotiques (fibres). Utilisé à la base pour faciliter la digestion et rééquilibrer la flore intestinale il peut aussi permettre la fabrication de yaourts, fromages, avec du lait animal, végétal y compris sans soja ! Le blog Cfaitmaison l’a testé et cela semble être une réussite, on trouve plusieurs sites web qui disent qu’il est tout à fait indiqué de l’utiliser comme ça.

Pour l’utiliser il suffit de verser le contenu d’un sachet de 5g par litre de lait animal ou végétal, à 40°C.

Un sachet de 5g contient

  • Fructo oligosaccharides à chaîne courte (fibres) 4500mg
  • Streptococcus thermophilus 2.5 milliards
  • Lactobacillus casei 2 milliards
  • Lactobacillus acidophilus 750 millions
  • Lactobacillus bulgaricus 500 millions
  • Bifidobacterium longum 500 millions
  • Bifidobacterium bifidum 500 millions
  • Lactobacillus rhamnosus 250 millions
  1. Transformer ses yaourts en fromages (faisselle, frais, affinés)

Pour transformer ses yaourts en « fromages », sachant qu’il manque la présure (ferment retrouvé dans les estomacs des veaux) pour qu’il soit officiellement appelé fromage, versez le yaourt dans une passoire doublée d’une gaze ou d’un tissu. Attendre que l’eau du yaourt descende par la passoire quelques heures et cela donne une sorte de faisselle. On peut le manger sucré, salé, en fromage frais…

Pour avoir des « petits crottins » de fromage frais (nature ou aromatisés aux herbes, épices, poivre…) mettre un petit peu de sel et laisser égoutter plus longtemps. Pour l’affiner le faire ensuite reposer sur un papier cuisson, à l’abri des variations de températures et de temps en temps le retourner, le saler. Surveiller son vieillissement au frigo ou dans un placard.

Pour avoir un fromage blanc top chrono, sans passer par un yaourt on peut le faire cailler avec un élément acide. Faire chauffer 50cl de lait 2 min à la casserole ou 20 secondes au micro-ondes et y verser ensuite quelques gouttes de jus de citron. Ce mélange fera cailler le lait en fromage frais. Conservez ensuite le mélange dans un saladier fermé au frigo, une fois refroidi vous pouvez déguster !   

© locavor.fr

Faire ses produits laitiers au kéfir

  1. Présentation du kéfir de lait

Les grains de kéfir de lait sont une association de plusieurs types de bactéries et de levures dans des petites structures de cellulose en forme de grains. Cousins des kéfir d’eau, ils ne fermentent que des produits laitiers animaux (normalement) et sont plus blancs, parfois avec une allure un peu gluante.

Pour travailler avec du kéfir, le plus simple et le mieux est de s’en faire donner puisque ça se multiplie assez vite. Pour les conserver on les garde dans un peu de lait au frigo, et si possible on change le lait toutes les semaines. Pas besoin de rincer les grains à l’eau avant de les activer, au contraire cela les fragilise. Il est inutile de stériliser quoi que ce soit pour préparer son kéfir.