L’envers du déchet* : Visite Solutions Recyclage

*Déchet ? NON : Ressources !

Article réalisé en 2018 par Caroline de « La Galerie du Zéro Déchet » et Christian de « Mieux trier à Nantes » et « La Galerie du Zéro Déchet »

Solutions Recyclage est une entreprise nantaise qui accompagne les professionnels dans leur démarche de gestion des déchets (400 entreprises accompagnées). Nous avons rencontré son dirigeant, Olivier Humeau, et visité leurs locaux.

Après avoir collecté les déchets, Solutions Recyclage les réoriente, en fonction de leur nature, vers des acteurs spécialisés du recyclage (98% en France, les 2% restant en Europe) qui vont prendre le relais. Avec 100% de valorisation matière (produire de la matière à partir de la ressource recyclée), cette entreprise est la seule à avoir ce niveau de qualité en Pays de la Loire. Côté CO2, les camionnettes utilisées, en comparaison des camions porte conteneurs des acteurs traditionnels, ont un bilan carbone nettement meilleur.

Pour l’entreprise, la recherche des filières de récupération de matériau est un métier à temps plein. La France manque d’usines de recyclage par rapport au volume de déchets généré ! 

Certaines entreprises orientent leur traitement des déchets de manière à pouvoir revendre la matière obtenue au meilleur prix possible, mais Solutions Recyclage a fait le choix de se « déconnecter » du prix de revente, pour se concentrer à la place sur le meilleur taux de recyclage possible.

Un système de traçabilité permet aux clients d’être assurés que leurs déchets sont bel et bien recyclés après leur collecte. 

Les clients de Solutions Recyclages appartiennent à tous les secteurs d’activité : tertiaire, BTP, industrie, restauration… Il n’y a pas de secteur sans solutions. Pour Olivier, la clé d’une démarche de tri réussie, c’est avant tout l’ambition de l’entreprise. Une motivation qui se joue aussi sur ce qui peut sembler un détail : des poubelles qui donnent envie de trier ! Solutions Recyclage propose à ses clients de jolis containers au design soigné. Un bon moyen de se rappeler que les déchets peuvent aussi être des ressources.

Gérer ses déchets, combien ça coûte à une entreprise ? 

Les entreprises payent des coûts de collecte et des coûts d’élimination. Le coût d’élimination des déchets dits « tout-venant » va devenir de plus en plus élevé pour les professionnels. Avec le recyclage, Solutions Recyclage propose aux entreprises une alternative à leur poubelle « tout-venant » et leur permet ainsi de faire des économies. 

La fiscalité locale constitue cependant un biais. En effet, pour la gestion des déchets, les collectivités peuvent opter pour :

  • un système proportionnel (les entreprises sont facturées en proportion du volume de déchets générés). C’est le cas à Saint-Nazaire.
  • un système forfaitaire (les entreprises payent une taxe dont le montant dépend de leur surface d’activité)
  • (ou un mélange des deux systèmes)

Bien évidemment le système forfaitaire n’incite pas particulièrement les entreprises à réduire le volume de déchets qu’elles produisent…

Cela étant, une entreprise peut même gagner de l’argent en recyclant ses déchets, par exemple grâce à la revente de pâte à papier obtenue en recyclant ses déchets papiers. 

Visite de l’entrepôt : la complexité du recyclage

  • Le problème du « tout-électronique »

Dans l’entrepôt de Solutions Recyclage, nous nous arrêtons devant une grande caisse remplie d’antivols de vêtements qui allient plastique et puce électronique : une grosse contrainte pour les acteurs du recyclage. Lequel d’entre eux va extraire la puce ? Il faudra ensuite re-transporter soit le plastique soit l’électronique vers une entreprise qui pourra le recycler. C’est un peu le casse-tête qui se cache derrière la tendance à rajouter de l’électronique aux objets du quotidien…

  • Le mélange des plastiques

Il existe des centaines de types de plastiques, qui doivent être recyclés séparément car ils n’ont pas les mêmes propriétés. Par exemple si l’on essaye de fondre ensemble deux plastiques qui n’ont pas la même température de fusion, l’un des deux risque de brûler avant que le deuxième n’ait fondu ! Il faut donc séparer, trier les différents plastiques avant recyclage, ce qui est plus compliqué que pour d’autres matériaux : si l’on peut par exemple utiliser des méthodes mécaniques pour séparer les métaux (aimanter un métal spécifique à l’écart des autres…), ce n’est pas possible pour le plastique.

Le problème, c’est que de plus en plus d’objets sont composés de plusieurs types de plastiques combinés (la bande « agrippante » qui vient se greffer sur une brosse à dent…), ce qui rend leur recyclage très complexe, voire impossible. Cette complexité fait par exemple grimper le coût de traitement des stylos au même niveau que celui des déchets chimiques !

Olivier regrette que tant de produits ne soient pas éco-conçus : ils sont pensés pour paraître plus innovants, plus vendeurs, mais sans prendre en compte le moment où ils devront être recyclés. 

(Au sujet du plastique, il est également important de noter que le plastique alimentaire peut rarement être produit à partir de plastiques recyclés, à cause des exigences de traçabilité. Une limite au principe d’économie circulaire.)

La limite des éco-organismes : recycler, c’est bien, réduire, c’est mieux !

En France, on fait porter aux fabricants la responsabilité de l’élimination des déchets que leurs  produits génèrent : au fabricant de pots de yaourts en plastique, par exemple, de financer le recyclage des pots vides. Pour ce faire, ces entreprises créent des éco-organismes habilités à prélever une taxe : l’éco-part  sur les meubles par exemple.

Cependant ce système comporte un biais important : il repose sur des acteurs qui n’ont aucun intérêt à réduire la création de déchets en premier lieu. En effet, comment attendre du fabricant de pots de yaourts qu’il cherche à réduire l’utilisation de pots en plastique, dont dépend sa survie économique ? 

Olivier trouve cette stratégie de gestion des déchets déresponsabilisante, car elle encourage les entreprises concernées à de se dédouaner du problème de la réduction des déchets, qui est pourtant incontournable. Pour Olivier, vouloir gérer les déchets sans chercher avant tout à réduire le volume généré, c’est « comme si 10 personnes mettaient tout en œuvre pour colmater une fuite, sans que personne ne cherche à couper le robinet d’arrivée d’eau ». Conscient de l’ironie de la situation, il nous dit rêver du jour où l’on n’aura plus besoin de son entreprise. Il a cependant remarqué un changement notable dans les mentalités depuis 2 ans, un tournant sans doute à lié à l’impact de différents reportages sur les déchets et la pollution des océans. 

Détaillons par matériaux

Olivier a l’habitude de visiter les usines régulièrement vers lesquels il envoie la matière (ce que la plupart des collectivités peuvent difficilement faire).

Voici le devenir de quelques-uns des matériaux recyclés :

Le polystyrène est envoyé a Carquefou, a l’usine Plastique recyclé de l’Ouest

On est surpris mais une usine à mis au point un processus pour séparer les différents matériaux des stylos plastique. l’usine Environnement Massif Central, à Mendes.

Le coût est important (1000 euros la tonne pour ce traitement, alors que cela coûte 100 euros pour le tout venant) mais prouve que si on sort du principe de rentabilité systématique, on peut recycler de nombreux matériaux

Le verre est envoyé à un verrier à Cognac

Les gobelets plastiques sont envoyés à Atlan, une usine près du Mans.

Gobelets compostables envoyés à CompostInSitu

Nespresso. Il y avait une usine proche de Paris, qui est désormais aux Pays-Bas. Olivier avait visité l’usine de la région parisienne et confirme qu’une séparation mécanique est réellement réalisée et sépare marc de café de l’aluminium. Bravo Nespresso.  

Petite conclusion

On sort enthousiaste de cette visite.

Cette visite nous a confirmé qu’il était possible d’avoir une valorisation matière proche de 100%, en France, avec des acteurs impliqués. 

Contrairement à l’évolution portée par Citeo qui veut simplifier le geste de tri (tout dans la même poubelle), il est important d’avoir plusieurs poubelles ou collecteurs différents pour chaque déchet/matière.

Il est important de sortir du système de rentabilité car le recyclage de certaines matières est possible mais pas toujours rentable.